Le divorce entre la vérité et la politique en Haïti est consommé depuis longtemps. Si bien que le politicien est perçu ici comme un fabulateur né. Un opportuniste qui ne se ménage d’aucune promesse fallacieuse, de manipulation langagière, pour mobiliser un électorat réticent, ressassant les expériences passées qui ont conduit à ce naufrage du projet démocratique d’après 1986.
Le refus de participation des citoyens aux convocations électorales, traduit le ras-le-bol qui découle de cette situation pernicieuse de la séquestration du politique par les élites économiques et la privatisation de l’Etat qui se décharge graduellement de son rôle de régulateur.
Le souverain désengagé n’est plus la source du pouvoir et se voit octroyer un rôle limité dans les affaires de la République. En fait, la participation du peuple dans les grandes décisions se réduit au jour de vote pour choisir des représentants modelés en agents d’une oligarchie réactionnaire. Ils sont enrôlés pour servir une cause qui est loin d’être celle de la Nation.
La destruction du tissu social, conséquence directe de cette marginalisation des citoyens dont le désengagement permet aux forces politiques de redéfinir l’espace social et les paramètres du pouvoir, engendre une catastrophe sociale pourtant évitable. Les vertus destructrices des contre-vérités qui tapissent les discours des leaders politiques, remplacent la cohérence
d’une vision politique clairement définie.
Elles sont souvent annonciatrices de la gestion privée de la chose publique usée à l’excès par les tenants du pouvoir. Elles deviennent aussi avec la détérioration brutale des conditions de vie, les causes fondamentales de cette frustration généralisée et la décrédibilisation des élites politiques.
Le désengagement accéléré du citoyen, loin d’être synonyme de désintérêt politique est plutôt une manifestation de la méfiance de la population, vis-à-vis des « leaders politiques » dans l’espace social.
C’est une résultante de ce désenchantement continu par rapport aux distorsions entre les discours de campagne et la gestion faite du pouvoir par les élus. La politique dans ce pays en manque de repère entre donc dans une nouvelle ère. Celle du « tout est permis ».
L’absence d’une conception haïtienne du pouvoir et du développement éteint graduellement le rêve né en 1804 autour de la vision « Bien-être pour tous ». Malgré la loi du nombre instaurée après la chute des Duvalier, le peuple ne joue nullement un rôle prépondérant dans le processus de construction d’un projet transformateur et viable.
La démocratie supposant une interaction continue entre élus et électeurs conscients des enjeux et de sa place dans la communauté n’est qu’illusion, l’être haïtien ne disposant de suffisamment de connaissances pour cerner cette nouvelle réalité.
L’éducation devient dans ce contexte indispensable à la construction de repères et de cette conscience des problèmes qui affectent le système social haïtien. Le délitement du système éducatif accentue la banalisation de la politique et devient un obstacle à une participation active du citoyen devenu incapable de saisir la complexité de son milieu et d’orienter son engagement.
LEPS le MAGnifik