Port-au-Prince ! Lundi 20 Avril 2015.-
« La problématique des relations haitiano-dominicaines : cas de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine TC 0168-13 », c’est autour de ce thème que s’est tenue mercredi 15 avril 2015, sous la conduite du professeur Josué Louis, une conférence-débat animée par Monsieur James Boyard, professeur de sciences politiques à l’Institut national d’administration de gestion et des hautes d’études internationales (INAGHEI) et Madame Géralda Sainvil, responsable de communication du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR), au local dudit institut.
Devant une assistance composée majoritairement d’étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), de M. Robert Joseph et M. Emmanuel Jeff Morose, respectivement Directeur Général et président du comité d’étudiants de l’INAGHE, de personnalités du monde universitaire et de membres de la presse, le professeur Boyard a mis l’accent sur les éléments qui divisent Haïti et la République Dominicaine ainsi que ceux qui les rapprochent.
Les relatons haitiano-dominicaines doivent se cristalliser sur les facteurs de coopération pour qu’il y ait une volonté de dépassement de soi au lieu d’être en situation de conflit, a dit M. Boyard.
La République d’Haïti et la République Dominicaine sont obligées de coopérer pour résoudre ensemble de problèmes communs en matière de sécurité tant au niveau des frontières qu’à travers les crimes transfrontaliers organisés, a expliqué le professeur d’université.
Quant aux facteurs d’intégration économique, M. James Boyard a souligné le caractère inévitable de la mondialisation s’imposant aux deux pays qui, a-t-il fait remarquer, doivent s’entendre sur des points communs de développement régional et sous-régional notamment à travers le tourisme.
Il a identifié un autre facteur de coopération, celui de la coopération multilatérale à travers les organisations en dehors de la région (UE, par exemple). Autant d’indices qui peuvent justifier, a dit M. Boyard, la nécessité de résoudre une fois pour toute, les problèmes entre Haïti et la République Dominicaine.
Pour Madame Géralda Sainvil, les relations haitiano-dominicaines ne se constituent pas uniquement d’éléments négatifs, mais se basent aussi sur des gestes de solidarité assez louables, faits des deux côtés.
La sentence du Tribunal constitutionnel dominicain prononcée le 23 septembre 2013 et rendue trois jours plus tard, ne fait que renforcer la discrimination contre les membres de la communauté haïtienne, installés en République Dominicaine conséquemment à la couleur de leur peau et/ou leur origine, a soutenu Madame Sainvil.
Selon la responsable du GARR, les ultranationalistes qui sont dans les sphères du pouvoir en République Dominicaine et envahissent les médias dominicains, ont orchestré une campagne de discrimination à outrance à l’encontre de ces enfants d’haïtiens qu’ils considèrent comme des illégaux n’ayant pas droit à la nationalité dominicaine.
Madame Sainvil, détentrice d’une maitrise en population et développement, a évoqué plusieurs moments de l’histoire des relations haitiano-dominicaines en commençant par la période « 1920-1937 » de l’occupation américaine ayant affecté les deux pays partageant l’ile où des grandes industries sucrières américaines avaient influencé ce qu’elle appelle une migration forcée d’un grand nombre d’haïtiens compte tenu de la pauvreté dans laquelle vivait la classe paysanne.
De « 1953 à 1971 », il y a eu une migration formelle caractérisée par un embauchage sur la question de la canne-à-sucre. Au cours de cette période, le pays voisin continuait d’utiliser la main-d’œuvre haïtienne à bon marché. La migration haïtienne a été diversifiée avec l’essor économique de la République Dominicaine, intensifiée notamment par l’agriculture, le tourisme, les télécommunications, l’hôtellerie, le cacao, le café, ceci en fonction des besoins, a-t-elle souligné.
L’état des relations haitiano-dominicaines montre la nécessité de renforcer la diplomatie haïtienne, d’élaborer une politique migratoire basée sur les droits humains et le développement pour pouvoir éviter des potentiels candidats à l’émigration, a recommandé Madame Géralda Sainvil.
Après les exposés, les deux intervenants ont répondu aux questions des participants, qui ont embrassé entre autres, les relations entre les deux pays, le rapatriement, les violations des droits humains, les conditions d’existence, le respect de la légalité, le rôle de l’université dans le débat actuel.
Le Directeur Général de l’INAGHEI M. Robert Joseph, a placé cette conférence-débat dans le contexte des activités mises sur pied par l’institution dans la perspective de créer un laboratoire de recherchas en sciences politiques.
Cette démarche vise à susciter davantage de réflexions sur les relations haitiano-dominicaines dont les problèmes sont multiples, a expliqué M. Joseph.
Selon lui, l’idée c’est d’ouvrir un centre de réflexions au sein de l’INAGHEI au département des Sciences politiques pour la création de ce laboratoire, qui devra alimenter la recherche au sein de l’Université d’Etat d’Haïti.
La création de ce laboratoire répondra à la nécessité de mettre à la disposition des étudiants des outils qui leur permettront de devenir des chercheurs après leur licence, et aussi d’ouvrir d’autres programmes de second cycle, qui font partie du domaine d’études de l’UEH confié à l’INAGHEI, a ajouté le doyen Robert Joseph.
André Marc Odigé
HIP