Port-au-Prince ! Mercredi 26 Novembre 2014.-
La commémoration du combat de Vertières, survenu le 18 novembre 1803 près du Cap-Haitien, a été marquée par une conférence-débat, lundi 17 novembre 2014, planifiée par le comité des étudiants de l’Institut national de gestion et des hautes études internationales (INAGHEI) appuyé dans son initiative par le décanat.
« Bataille de Vertières : Symbolisme et Réalité », c’est autour de ce thème que s’est déroulée cette conférence-débat, présentée sous forme de causerie, par deux professeurs d’universités, Vernet Larose et Marc Désir, à la salle de conférence de l’INAGHEI, à la satisfaction de plusieurs dizaines d’étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti.
Emmanuel Jeff Morose, président du comité des étudiants de l’INAGHEI, a donné le coup d’envoi en brossant le cadre théorique de l’activité vue sous plusieurs angles et introduit par la suite son collègue Jimmy Saint-vil jouant le rôle de modérateur.
Après avoir salué les intervenants et les étudiants présents, Jimmy Sain-vil a choisi comme premier intervenant Monsieur Vernet Larose pour avoir fait partie du corps professoral de l’INAGHEI, une des onze entités de l’UEH.
Vernet Larose, sociologue qui enseigne la théorie des relations internationales et la gestion des coopératives audit institut, a d’entre de jeu, établi une différence entre Saint-Domingue qu’il identifie à Toussaint Louverture et Haïti à Jean-Jacques Dessalines.
Le sociologue dans une approche consciente et réaliste, a énuméré trois symbolismes entourant, selon lui, la bataille de Vertières.
Premièrement: La capitulation de Rochambeau, qui a été sommé par Dessalines de laisser le territoire le 29 novembre, en tenant compte dans ce contexte du respect de la parole donnée.
Deuxièmement: Le changement identitaire qui a effacé Saint-Domingue pour permettre à Haïti, colonie française avant le 1er janvier 1804, de surgir. Vernet Larose voit dans cet aspect une démarche anthropologique par rapport dit-il, au rythme de passage.
Troisièmement: Le changement statutaire de Saint-Domingue à Haïti ; le statut étant lié à la capacité de livrer bataille, fait-il remarquer.
Selon le professeur Larose, les libertés sociales passant singulièrement par l’aménagement du territoire, sont beaucoup plus importantes que les libertés publiques en lançant des affirmations péremptoires contenues dans l’ouvrage « La Vocation de l’élite » du docteur Jean Price Mars.
Le professeur Marc Désir, historien et doyen de l’Institut Supérieur d’études et de Recherches en sciences sociales (ISERSS) ci-devant Institut d’études et de Recherches africaines (IERAH), dans ses premières interventions, a parlé de la nécessité de faire l’historiographie de Vertières en mettant l’emphase sur la rareté de documents sur cette notion, qui à son avis, ne fait pas l’objet d’études tout en ayant soin de souligner que la seule présentation exhaustive en la matière, est signée de l’historien Antoine Bernard Thomas Madiou.
En général, ce n’est pas la force qui rapporte la victoire, c’est plutôt la stratégie, a laissé entendre Monsieur Désir faisant remarquer que l’image de Dessalines n’est pas bien présentée dans ce contexte pour avoir accordé protection à tous incluant les français, a-t-il indiquë.
18 novembre n’était jamais une fête nationale avant François Duvalier d’où venait l’affirmation que l’historiographie événementielle ne prenait pas en compte la réalité des choses hors mis la constitution, l’agriculture, l’impératrice, d’après Vernet Larose.
Dessalines en tant que stratège militaire, stratège politique a donné une identité aux haïtiens en rendant hommage aux anciens habitants, a rappelé le sociologue évoquant par ailleurs, le travail marqué des historiens, qui n’ont pas su, a-t-il soutenu, dissocier Haïti de Saint-Domingue.
Faustin Soulouque a commémoré le cinquantième de la bataille de vertières, Nord Alexis pour le centième, Paul Eugène Magloire pour le cent-cinquantième et Jean Bertrand Aristide pour le deux-centième.
Cette dernière commémoration du combat de vertières, fut une catastrophe de l’avis du sociologue Vernet Larose affirmant que les haïtiens ont du mal à faire une commémoration de manière partagée.
Il a en outre, souligné ce qu’il appelle l’unanimisme national qui existait en 1804 et qui n’était pas au rendez-vous en 1904 et 2004, dans le cadre de la célébration de l’indépendance nationale.
18 novembre 2014, comment la société haïtienne appréhende t-elle vertières, Traditionnellement, le gouvernement organise une cérémonie officielle, tandis que l’opposition politique annonce une manifestation. C’est le même constat pour la commémoration de l’assassinat de l’empereur Jean-Jacques Dessalines, le 17 octobre 2014 à Port-au-Prince, s’est interrogé un étudiant ?
Un exemple flagrant, selon les panélistes, qui démontre la dégénérescence des différentes couches de la société, qui ne se rallient jamais au camp de ceux qui soutiennent la question de l’avenir d’Haïti en passant indubitablement par le respect de la mémoire de nos ancêtres.
Pour le professeur Marc Désir, tous les haïtiens, du point de vue national, devraient appréhender vertières de la même manière. A cette phase, son collègue Vernet Larose pose le problème de la présence des casques bleus de l’ONU dans le pays en référence à la mission des nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Et le professeur Désir est revenu pour faire ressortir dans l’esprit de vertières et de Dessalines, la nécessité de la création d’une force pour accompagner la nation et assurer la défense du pays.
Nous devons questionner le sens des choses, le sens des événements, estime un autre étudiant dans ses questions adressées aux deux conférenciers après l’exposé de ces derniers sur le thème choisi pour la circonstance.
Il signale que le mot « vertières » ne figure pas dans les dictionnaires français, et également en rapportant les affirmations d’un étranger, dans le dictionnaire « Le Petit Ecolier Haïtien ».
18 novembre à l’instar de 18 mai, n’était pas un projet calculé, selon Vernet Larose qui asseoit sa thèse sur les écrits de l’historien Michel Hector et de l’écrivain Jean Casimir.
A la question de savoir quelle identification peut-on attribuer à Toussaint Louverture dans l’histoire d’Haïti?, l’historien Marc Désir a répondu que le précurseur de l’indépendance peut être considéré comme un haïtien en se basant sur nos coutumes et ce qu’il appelle, le vivre-ensemble ; alors que le sociologue Vernet a pris le contre-pied de cette assertion en notifiant que Toussaint Louverture a la nationalité française confirmée par la constitution de 1801. Toutefois, l’Etat haïtien peut prendre un arrêté pour accorder la nationalité haïtienne à Toussaint Louverture, a-t-il suggéré.
En conclusion, cette conférence-débat, ponctuée de solides interventions et d’interrogations pertinentes d’étudiants, les unes plus intéressantes que les autres, a servi de prétexte au professeur Marc Désir pour prescrire une nouvelle « Vertières », autrement pour une vraie liberté en Haïti qui nécessitera d’une base sociale et économique ; alors que le sociologue Larose propose de ritualiser la commémoration dans le pays afin de permettre à la société de questionner le sens de l’événement pour pouvoir appréhender sa portée historique et politique.
Au terme de cette activité qui a duré plus de deux (2) heures, le Directeur Général de l’INAGHEI, titre équivalent au doyen pour les facultés proprement dites, Monsieur Robert Joseph a placé les mots de clôture en remerciant les conférenciers qui sont ses collègues, et le comité des étudiants pour la réussite de ce genre d’initiative, inscrit, a-t-il mentionné dans l’agenda de l’institution, qui encourage le développement humain à travers la science.
Sous les applaudissements de l’assistance composée majoritairement d’étudiants, les panélistes ont eux aussi, salué cette initiative et du même coup félicité les responsables du Décanat pour leur esprit d’ouverture, le soutien et l’encadrement apportés au comité dans le cadre du fonctionnement régulier de l’INAGHEI.
André Marc Odigé
amovanoue@gmail.com
HIP