Le Nouvelliste | Publié le : 11 mars 2015
Par André Marc ODIGE
Située à 4,5 kilomètres de route asphaltée, de la nationale # 1, tronçon compris entre Villard et L’Estère, dans le département de l’Artibonite, Desdunes comprend cinq localités qui sont : Duclos, Modèle, Grand-Islet, Hatte-Desdunes, Aux Sources Sud et une habitation dénommée « Lagon Penyen », formant une section communale.
Elevée au rang de commune depuis 1983 après avoir été dépendante de Grande-Saline, Desdunes, dont l’économie repose sur l’agriculture, le commerce et l’élevage, est administrée par un conseil municipal composé de Monsieur Wesner Archélus, président, Monsieur Alton Clénord et Monsieur Hubert Cupidon, membres.
Les habitants de Desdunes vivent dans une situation économique difficile en raison d’une agriculture à effet moribond, caractérisée surtout par une présence timide de l’Etat aux côtés des paysans utilisant pour la plupart les pratiques anciennes pour cultiver leurs terres.
La commune compte sur la culture du riz à 80% et la contribution financière de sa diaspora, qui ne répond pas efficacement à ses obligations durant ces dernières années. Les Desduniennes, dans leur grande majorité, font le commerce de riz et ne peuvent plus tenir le coup à cause de cette situation qui pourrait s’aggraver sans un accompagnement véritable des instances concernées de l’Etat.
Infrastructures
Au cours des années 2010 à 2012, la commune de Desdunes, alimentée en énergie électrique par le réseau des Gonaïves, qui fonctionnait dans le temps avec du mazout, bénéficiait quotidiennement de l’électricité 24 heures sur 24.
Ce réseau, fonctionnant cette fois-ci avec du diesel, distribue le courant électrique dans la commune ces derniers jours, de 11 heures du soir à 6 heures du matin, parfois au cours de la journée. Les résidents se plaignaient du rationnement trop sévère quelque douze mois auparavant, à cause de la distribution qui était programmée chaque trois semaines ou plus.
L’électricité comme l’eau potable, d’ailleurs très rare, dans bon nombre de foyers de Desdunes, qui est puisée d’une source située à Dessalines (Marchand), est vitale pour le fonctionnement des ménages, des activités commerciales et celles qui en découlent, selon le docteur Marseille Barthélemy Adolphe, appelé par ses concitoyens et concitoyennes docteur Marseille.
La commune compte certaines réalisations de l’Etat telles un lycée fonctionnant de la 3e à la rhéto, une école nationale qui héberge tous les cycles du niveau fondamental, une place publique, une bibliothèque, un nouveau marché communal en cours d’achèvement financé par le Trésor public et le comité de la diaspora, un lavoir public moderne financé par la Croix-Rouge française et le Bureau de monétisation des projets d’aide au développement (BMPAD).
Parmi les bureaux publics fonctionnant à Desdunes, figurent la Direction générale des impôts (DGI), qui ouvre ses portes les jours de marché (mardi et vendredi), la mairie, qui ne dispose pas d’un camion pour ramasser les détritus ni d’un lieu de déchargement, l’Office national d’identification (ONI) et la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA). Deux autobus de la compagnie scolaire Dignité assurent régulièrement le transport gratuit des élèves dans le cadre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO).
Il existe également plusieurs maisons de transfert, des moulins à riz, des boutiques, magasins de matériaux de construction, plusieurs écoles primaires et secondaires parmi elles celle de l’Église catholique, la seule qui fonctionne avec une classe de philosophie, des restaurants qui manquent d’envergure malgré la réputation irréprochable dont jouit la cuisine de Desdunes, huit (8) stations de radios, dont six (6) en fonctionnement, une entreprise funéraire, etc.
Cette circonscription, qui souffre de sous-développement, fonctionne sans une banque, sans un supermarché, sans une station-service qui existait dans le temps, sans un centre de loisirs, sans un centre de lecture et d’animation, sans infrastructures sportives, sans une école technique et/ou professionnelle pour une jeunesse représentant 70% de la population, pour ne citer que ceux-là.
Santé
Sur le plan sanitaire, la commune de Desdunes, très poussiéreuse, échappe à l’action et à la vigilance des autorités locales, et à la responsabilité des citoyens, qui sont exposés à la malaria et d’autres maladies ,- tant les canaux d’évacuation des eaux sont remplis de détritus.
Cet état de fait complique la vie des habitants à Desdunes ; et davantage avec l’absence d’officiers sanitaires qui contrôlaient jadis la vente à l’air libre de nourriture et d’autres produits de consommation, a expliqué le docteur Adolphe, qui s’établit dans la commune depuis fin 1991.
Ce médecin diplômé de l’Université Autonome de Puebla au Mexique a par ailleurs souligné un manque d’engagement de la part des familles pour embellir la commune et veiller aussi à leur santé.
La commune dispose d’un dispensaire-hôpital réduit dans son fonctionnement et d’un autre dispensaire moins fréquenté, qui est administré par des médecins cubains. Elle reçoit des visites d’autres médecins pour des consultations périodiques, a expliqué ce professionnel de la santé, qui pratique également l’agriculture.
Le docteur Adolphe, le seul médecin dans la commune, qui travaille en privé dans sa maison habitable située à la rue Mackandal, se déplace au besoin à toute heure dans des zones reculées parfois aux Gonaïves pour prodiguer des soins médicaux.
Agriculture
L’agriculture ou mieux la riziculture, pratiquée sans technologie à Desdunes, dépend des terres marécageuses, des terres qui sont occupées par de mauvaises herbes et celles qui souffrent d’un manque d’arrosage.
Les agriculteurs ne bénéficient pas réellement de l’encadrement technique du Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) via l’Organisme de développement de la vallée de l’Artibonite (ODVA), a de son côté déclaré monsieur Fernand Registre, qui s’adonne à l’agriculture depuis une quarantaine d’années.
Monsieur Registre qui se fait le porte-parole des planteurs de Desdunes, a cité en exemple le cas d’une excavatrice de la marque Deere, identifiée 350 DLC, CNE 348, tombée en panne et qui ne nécessite pas, selon lui, de coûteuses réparations, abandonnée depuis trois (3) ans sur la berge de Duclos canal près de la zone dénommée « Pont Datilus ».
Dans cette zone, la firme Barossa exécute, par le biais du Groupe d’action francophone pour l’environnement (GAFE), un projet de réhabilitation d’un canal en béton d’une longueur de huit cent (800) mètres linéaires, financé par l’Union européenne pour un montant d’environ 2 millions 770 mille gourdes en vue de faciliter l’arrosage des terres cultivables et rétablir la libre circulation sur la digue jusqu’au « Pont Tino ».
La modernisation de l’agriculture sur le plan général est loin d’être une réalité à Desdunes a-t-il fait remarquer reconnaissant toutefois que l’utilisation de machines agricoles pour préparer les terres à la plantation est faite par une minorité de planteurs. Le nombre de grands producteurs de riz à Desdunes se chiffre entre 40 et 50, qui possèdent leurs propres moyens de pratiquer cette culture.
La production rizicole est actuellement à 30% de profit en raison de la cherté de la vie et des prix excessifs des intrants, engrais et de la main-d’œuvre, a confié Fernand Registre. Le sac d’engrais, que le MARNDR a fixé au prix de neuf cent (900) gourdes, se vend de façon rare à mille cinq cent (1 500) gourdes.
La vente de ce produit est contrôlée dans l’Artibonite par le secteur privé à travers une structure appelée « Agro Service », a dit monsieur Registre.
Les travaux de curage de Duclos canal et de Desdunes canal, ajoutés à ceux du drain conduisant à la commune et des différents canaux d’irrigation, secondaires et tertiaires distribuant l’eau au besoin, qui ne sont pas effectués de façon périodique, exposent les agriculteurs au déficit à chaque récolte soit à cause de sécheresse ou d’inondations, et plus encore, à la perte caractérisée surtout par ce que les planteurs appellent le phénomène de la paille noire.
Le manque d’interventions de l’ODVA auprès des agriculteurs est à la base de cette situation, a-t-il soutenu. Jadis, l’Etat avait adopté des mesures pour stocker le riz importé à des périodes différentes, pour permettre aux agriculteurs de Desdunes d’écouler leurs produits sur le marché ou à travers le Programme national de cantines scolaires (PNCS), a révélé ce passionné de la riziculture.
Monsieur Fernand Registre appelle l’Etat à intervenir en faveur des planteurs de Desdunes dont la production contribue considérablement au renforcement de l’économie haïtienne.
En termes de doléances, les agriculteurs de Desdunes sollicitent un encadrement technique soutenu du MARNDR accentué sur la modernisation de l’agriculture, et réclament la mise en place d’une banque de crédit agricole, l’ouverture de magasins d’intrants et d’outils agricoles, la disponibilité de l’engrais et la création d’un centre de mécanisation agricole.
Justice
La justice fonctionne dans des conditions extrêmement difficiles à Desdunes. Seulement trois policiers nationaux du commissariat de la commune travaillant par relève chaque deux semaines assurent la sécurité d’environ 35 à 40 000 habitants, a fait savoir le juge titulaire du tribunal de paix, Résilien Georges, dit Zino.
A l’origine, le commissariat de Desdunes comptait plus d’une vingtaine de policiers, a rappelé le magistrat affirmant exposer la situation aux autres autorités locales, qui n’ont pas toujours la solution appropriée à ce problème, a-t-il expliqué.
Le tribunal de paix de Desdunes s’établit sur une maison préfabriquée construite par la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) depuis environ trois (3) ans dans un endroit désert sans la présence d’un policier ou d’un agent de sécurité aux heures de travail, voire après, pour assurer la sécurité du personnel et celle des matériels sensibles, s’est plaint son titulaire.
Il a, par ailleurs, souligné que les cas les plus fréquents traités au tribunal concernent la responsabilité paternelle, présentés par des enfants contre leurs pères refusant, selon eux, d’honorer leurs obligations parentales; le vol domestique et le vol de bétail.
Ces derniers cas attribués à la délinquance, a dit le magistrat, contraignent les habitants à ne plus pratiquer l’élevage, qui constituait un apport économique important à la communauté.
L’officier judiciaire a rappelé que des individus agissant à la solde de certaines personnes à Saint-Marc, qui, elles, ont des ramifications à Port-au-Prince, mènent ce genre d’activités à Desdunes. Dans la nuit du 19 au 20 janvier 2015, un véhicule, qui transportait de la viande de bœufs volés et écorchés sur place, a été incendié dans la zone dénommée « Trois bornes ».
Le chauffeur du véhicule qui appartenait à un policier a été arrêté, auditionné puis emprisonné à la prison de Saint-Marc. La collaboration de la population jugée paisible, qui se trouve concentrée dans le centre de Desdunes, a considérablement facilité le fonctionnement de la justice.
Le tribunal a placé dans chacune des localités un agent de l’ordre choisi par les habitants, pouvant aider à traiter les cas urgents dépendamment de leur nature et/ou de leur ampleur, a avancé maître Georges.
Desdunes, voisine des communes de Grande-Saline et de L’Estère, se trouve dans la zone cadastrale qui relève de la juridiction des Gonaïves en matière de conflit terrien et de la juridiction de Saint-Marc en d’autres cas.
Le magistrat a, en outre, plaidé en faveur d’un nouveau regroupement par proximité pour qu’il y ait d’autres sections communales capables de prendre en charge le travail de développement de la commune.
Maître Résilien Georges a enfin fait appel à l’engagement citoyen de la population pour pouvoir contribuer au développement de Desdunes à côté des actions de l’Etat central qu’il presse de plancher sur la question de la délimitation géographique, qui pose un sérieux problème aux interventions des officiers judiciaires de L’Estère et de Desdunes à chaque accident enregistré sur la route nationale # 1.
AUTEUR
André Marc Odigé andremarcodige@yahoo.fr amovanoue@gmail.com .